La crise de l’eau

La crise de l’eau en Guadeloupe – Données officielles

La crise de l’eau en Guadeloupe

Depuis des décennies, les Guadeloupéens vivent une crise de l’eau sans précédent. Malgré les ressources naturelles abondantes de l’archipel, l’accès à l’eau potable est devenu un luxe pour de nombreux habitants. Les chiffres officiels révèlent une situation alarmante.

⚠️ SITUATION CRITIQUE

Il faudrait 208 ans au rythme actuel pour renouveler l’intégralité du réseau d’eau en Guadeloupe

71%

de l’eau potable perdue dans le réseau avant d’arriver aux robinets

Source : RPQS SMGEAG 2022

208 ans

nécessaires pour renouveler tout le réseau au rythme actuel

Source : Chambre Régionale des Comptes, 2025

2 730,9 km

de canalisations vétustes à entretenir et renouveler

Source : RPQS SMGEAG 2022, p.13

36%

de taux d’impayés des factures d’eau, record national

Source : CRC 2025

2 km

seulement renouvelés en 2022, le plus bas niveau depuis 5 ans

Source : RPQS SMGEAG 2022, p.21

52,3 m³

d’eau perdus par jour et par kilomètre de réseau

Source : RPQS SMGEAG 2022, p.21

1,23 Mrd€

nécessaire pour renouveler l’intégralité du réseau

Calcul basé sur les coûts moyens de 400-500k€/km

60%

du réseau a plus de 30 ans d’âge

Source : CRC 2025

L’infrastructure en chiffres

Le réseau d’eau potable de la Guadeloupe est dans un état critique. Les données officielles du RPQS (Rapport sur le Prix et la Qualité du Service) 2022 et du rapport de la Chambre Régionale des Comptes de juillet 2025 révèlent une situation alarmante.

📏

Un réseau immense et vétuste

2 730,9 kilomètres de canalisations composent le réseau d’eau potable guadeloupéen (hors branchements).

  • 60% du réseau a plus de 30 ans
  • Certaines canalisations datent de plusieurs décennies
  • Matériaux obsolètes et dégradés
  • Absence de cartographie précise complète
💧

Pertes d’eau catastrophiques

Le rendement du réseau n’est que de 29,1%, ce qui signifie que 71% de l’eau produite est perdue avant d’arriver aux robinets.

  • 52,3 m³ perdus par jour par kilomètre
  • 52,1 millions de m³ perdus par an
  • Équivalent de la consommation de plusieurs villes
  • Pertes en augmentation : +12% entre 2021 et 2022
🔧

Renouvellement insuffisant

En 2022, seulement 2 kilomètres de réseau ont été renouvelés, le plus bas niveau depuis 5 ans.

  • Taux de renouvellement : 0,54% en 2022
  • 84,14 km renouvelés sur 5 ans (2018-2022)
  • Moyenne de 16,8 km/an seulement
  • Chute de 92,6% par rapport à 2021

Un délai inacceptable

Au rythme actuel de renouvellement, il faudrait 208 ans pour remettre en état l’intégralité du réseau.

  • Besoin : 2 730,9 km à renouveler
  • Rythme actuel : ~15 km/an (moyenne récente)
  • Plusieurs générations impactées
  • Situation qui empire chaque année
💰

Problèmes financiers

Le SMGEAG fait face à des difficultés financières majeures avec un taux d’impayés de 36%, le plus élevé de France.

  • 37 M€ de déficit cumulé 2021-2024
  • Capacité d’investissement limitée
  • Dépendance aux subventions publiques
  • Cercle vicieux : mauvais service → impayés → sous-investissement
🔢

Compteurs obsolètes

~80 000 compteurs ont plus de 15 ans et doivent être remplacés.

  • 18 000 compteurs renouvelés en 2024
  • 10 ans nécessaires au rythme actuel
  • Compteurs défaillants = facturation imprécise
  • Pertes de recettes pour le service

Guadeloupe vs Moyenne nationale

La situation en Guadeloupe est bien pire que la moyenne française

Rendement du réseau

29,1%
Guadeloupe
VS
80%
Moyenne France

Taux d’impayés

36%
Guadeloupe (record)
VS
3-5%
Moyenne France

Renouvellement annuel

0,54%
Guadeloupe
VS
0,6-1%
Moyenne France

Temps renouvellement total

208 ans
Guadeloupe
VS
100-165 ans
Moyenne France

Le coût de la remise en état

Combien coûterait la réparation complète du réseau d’eau guadeloupéen ?

Coût total estimé

1,23 Mrd€

Pour renouveler les 2 730,9 km de réseau au coût moyen de 450 000€ par kilomètre (incluant travaux, matériaux, main d’œuvre et contraintes techniques locales).

Investissement annuel actuel

~0,9 M€

Basé sur 2 km renouvelés en 2022. Largement insuffisant pour inverser la tendance et rattraper le retard accumulé depuis des décennies.

Besoin annuel réel

24,6 M€

Pour renouveler le réseau en 50 ans (durée raisonnable). Actuellement, le déficit annuel est de 23,7 millions d’euros par an.

Pertes financières annuelles

≈60 M€

Valeur estimée de l’eau produite mais perdue (71% de pertes) + coût des réparations d’urgence + impact économique des coupures.

Chronologie détaillée de la crise

1980-1990

Début de la dégradation

Le réseau d’eau installé dans les années 1960-1970 commence à vieillir. Les premières fuites importantes sont constatées, mais les investissements de maintenance restent insuffisants.

Les autorités minimisent le problème et reportent les investissements nécessaires, privilégiant d’autres priorités budgétaires.

1990-2000

Aggravation progressive

Les coupures d’eau deviennent plus fréquentes, particulièrement en saison sèche. Le taux de pertes du réseau augmente régulièrement sans action corrective majeure.

Premières mobilisations citoyennes face à l’inaction des pouvoirs publics.

2000-2010

Crise permanente

Les tours d’eau (rationnement programmé) deviennent la norme dans de nombreuses communes. La population doit stocker l’eau dans des conditions parfois insalubres.

Rendement du réseau : déjà inférieur à 50%, bien en dessous des standards nationaux et internationaux.

2014

Création du SMGEAG

Fusion de plusieurs syndicats intercommunaux pour créer le Syndicat Mixte de Gestion de l’Eau et de l’Assainissement de la Guadeloupe. L’objectif est de mutualiser les moyens et d’améliorer la gestion.

La Région et le Département commencent à intervenir financièrement avec des plans de sécurisation.

2018-2020

Efforts de renouvellement

Période d’investissement relative avec 24,25 km renouvelés en 2018 et 27,2 km en 2021. Malgré ces efforts, le rythme reste largement insuffisant.

Mise en place progressive d’un SIG (Système d’Information Géographique) pour cartographier le réseau.

2021

Fusion complète

Le SMGEAG absorbe les derniers syndicats indépendants et devient l’unique gestionnaire de l’eau pour la Guadeloupe (hors Saint-Martin et Saint-Barthélemy).

Le linéaire total du réseau est réévalué : 2 593 km identifiés (contre 2 994 km en 2020, révélant des erreurs d’inventaire antérieures).

2022

Effondrement du renouvellement

Année catastrophique : seulement 2 km de réseau renouvelés, soit une chute de 92,6% par rapport à 2021. C’est le niveau le plus bas depuis 5 ans.

Simultanément, les pertes augmentent de 12% : l’indice linéaire de pertes passe de 46,7 à 52,3 m³/jour/km.

Le rendement du réseau chute à 29,1% (71% de pertes), un record négatif.

2024-2027

Plan d’investissement ambitieux

Programme Pluriannuel d’Investissement de 320 millions d’euros annoncé, financé par la Région (20 M€), le Département, l’État et les fonds européens.

Opération massive de renouvellement des compteurs : 18 000 compteurs remplacés en 2024.

Objectif : inverser la tendance et améliorer progressivement le rendement du réseau.

Juillet 2025

Rapport accablant de la Chambre Régionale des Comptes

La CRC publie un rapport détaillé sur la gestion du SMGEAG, révélant l’ampleur de la crise :

  • 208 ans nécessaires pour renouveler le réseau au rythme actuel
  • 36% de taux d’impayés, record national
  • 37 M€ de déficit cumulé entre 2021 et 2024
  • 9 000 réparations de fuites effectuées en 2024

Le rapport conclut à une « situation préoccupante » nécessitant des « mesures urgentes et ambitieuses ».

2025-Aujourd’hui

Mobilisation citoyenne et politique

Face à l’urgence révélée par les chiffres officiels, les citoyens se mobilisent pour exiger des solutions durables, une gestion transparente et des investissements massifs.

Des voix s’élèvent pour réclamer une gestion locale autonome des ressources en eau, avec un contrôle citoyen renforcé et des financements adaptés à l’ampleur du défi.