La crise de l’eau
La crise de l’eau en Guadeloupe
Depuis des décennies, les Guadeloupéens vivent une crise de l’eau sans précédent. Malgré les ressources naturelles abondantes de l’archipel, l’accès à l’eau potable est devenu un luxe pour de nombreux habitants. Les chiffres officiels révèlent une situation alarmante.
nécessaires pour renouveler tout le réseau au rythme actuel
Source : Chambre Régionale des Comptes, 2025
nécessaire pour renouveler l’intégralité du réseau
Calcul basé sur les coûts moyens de 400-500k€/km
L’infrastructure en chiffres
Le réseau d’eau potable de la Guadeloupe est dans un état critique. Les données officielles du RPQS (Rapport sur le Prix et la Qualité du Service) 2022 et du rapport de la Chambre Régionale des Comptes de juillet 2025 révèlent une situation alarmante.
Un réseau immense et vétuste
2 730,9 kilomètres de canalisations composent le réseau d’eau potable guadeloupéen (hors branchements).
- 60% du réseau a plus de 30 ans
- Certaines canalisations datent de plusieurs décennies
- Matériaux obsolètes et dégradés
- Absence de cartographie précise complète
Pertes d’eau catastrophiques
Le rendement du réseau n’est que de 29,1%, ce qui signifie que 71% de l’eau produite est perdue avant d’arriver aux robinets.
- 52,3 m³ perdus par jour par kilomètre
- 52,1 millions de m³ perdus par an
- Équivalent de la consommation de plusieurs villes
- Pertes en augmentation : +12% entre 2021 et 2022
Renouvellement insuffisant
En 2022, seulement 2 kilomètres de réseau ont été renouvelés, le plus bas niveau depuis 5 ans.
- Taux de renouvellement : 0,54% en 2022
- 84,14 km renouvelés sur 5 ans (2018-2022)
- Moyenne de 16,8 km/an seulement
- Chute de 92,6% par rapport à 2021
Un délai inacceptable
Au rythme actuel de renouvellement, il faudrait 208 ans pour remettre en état l’intégralité du réseau.
- Besoin : 2 730,9 km à renouveler
- Rythme actuel : ~15 km/an (moyenne récente)
- Plusieurs générations impactées
- Situation qui empire chaque année
Problèmes financiers
Le SMGEAG fait face à des difficultés financières majeures avec un taux d’impayés de 36%, le plus élevé de France.
- 37 M€ de déficit cumulé 2021-2024
- Capacité d’investissement limitée
- Dépendance aux subventions publiques
- Cercle vicieux : mauvais service → impayés → sous-investissement
Compteurs obsolètes
~80 000 compteurs ont plus de 15 ans et doivent être remplacés.
- 18 000 compteurs renouvelés en 2024
- 10 ans nécessaires au rythme actuel
- Compteurs défaillants = facturation imprécise
- Pertes de recettes pour le service
Guadeloupe vs Moyenne nationale
La situation en Guadeloupe est bien pire que la moyenne française
Rendement du réseau
Taux d’impayés
Renouvellement annuel
Temps renouvellement total
Le coût de la remise en état
Combien coûterait la réparation complète du réseau d’eau guadeloupéen ?
Coût total estimé
Pour renouveler les 2 730,9 km de réseau au coût moyen de 450 000€ par kilomètre (incluant travaux, matériaux, main d’œuvre et contraintes techniques locales).
Investissement annuel actuel
Basé sur 2 km renouvelés en 2022. Largement insuffisant pour inverser la tendance et rattraper le retard accumulé depuis des décennies.
Besoin annuel réel
Pour renouveler le réseau en 50 ans (durée raisonnable). Actuellement, le déficit annuel est de 23,7 millions d’euros par an.
Pertes financières annuelles
Valeur estimée de l’eau produite mais perdue (71% de pertes) + coût des réparations d’urgence + impact économique des coupures.
Chronologie détaillée de la crise
Début de la dégradation
Le réseau d’eau installé dans les années 1960-1970 commence à vieillir. Les premières fuites importantes sont constatées, mais les investissements de maintenance restent insuffisants.
Les autorités minimisent le problème et reportent les investissements nécessaires, privilégiant d’autres priorités budgétaires.
Aggravation progressive
Les coupures d’eau deviennent plus fréquentes, particulièrement en saison sèche. Le taux de pertes du réseau augmente régulièrement sans action corrective majeure.
Premières mobilisations citoyennes face à l’inaction des pouvoirs publics.
Crise permanente
Les tours d’eau (rationnement programmé) deviennent la norme dans de nombreuses communes. La population doit stocker l’eau dans des conditions parfois insalubres.
Rendement du réseau : déjà inférieur à 50%, bien en dessous des standards nationaux et internationaux.
Création du SMGEAG
Fusion de plusieurs syndicats intercommunaux pour créer le Syndicat Mixte de Gestion de l’Eau et de l’Assainissement de la Guadeloupe. L’objectif est de mutualiser les moyens et d’améliorer la gestion.
La Région et le Département commencent à intervenir financièrement avec des plans de sécurisation.
Efforts de renouvellement
Période d’investissement relative avec 24,25 km renouvelés en 2018 et 27,2 km en 2021. Malgré ces efforts, le rythme reste largement insuffisant.
Mise en place progressive d’un SIG (Système d’Information Géographique) pour cartographier le réseau.
Fusion complète
Le SMGEAG absorbe les derniers syndicats indépendants et devient l’unique gestionnaire de l’eau pour la Guadeloupe (hors Saint-Martin et Saint-Barthélemy).
Le linéaire total du réseau est réévalué : 2 593 km identifiés (contre 2 994 km en 2020, révélant des erreurs d’inventaire antérieures).
Effondrement du renouvellement
Année catastrophique : seulement 2 km de réseau renouvelés, soit une chute de 92,6% par rapport à 2021. C’est le niveau le plus bas depuis 5 ans.
Simultanément, les pertes augmentent de 12% : l’indice linéaire de pertes passe de 46,7 à 52,3 m³/jour/km.
Le rendement du réseau chute à 29,1% (71% de pertes), un record négatif.
Plan d’investissement ambitieux
Programme Pluriannuel d’Investissement de 320 millions d’euros annoncé, financé par la Région (20 M€), le Département, l’État et les fonds européens.
Opération massive de renouvellement des compteurs : 18 000 compteurs remplacés en 2024.
Objectif : inverser la tendance et améliorer progressivement le rendement du réseau.
Rapport accablant de la Chambre Régionale des Comptes
La CRC publie un rapport détaillé sur la gestion du SMGEAG, révélant l’ampleur de la crise :
- 208 ans nécessaires pour renouveler le réseau au rythme actuel
- 36% de taux d’impayés, record national
- 37 M€ de déficit cumulé entre 2021 et 2024
- 9 000 réparations de fuites effectuées en 2024
Le rapport conclut à une « situation préoccupante » nécessitant des « mesures urgentes et ambitieuses ».
Mobilisation citoyenne et politique
Face à l’urgence révélée par les chiffres officiels, les citoyens se mobilisent pour exiger des solutions durables, une gestion transparente et des investissements massifs.
Des voix s’élèvent pour réclamer une gestion locale autonome des ressources en eau, avec un contrôle citoyen renforcé et des financements adaptés à l’ampleur du défi.
📚 Sources officielles
- RPQS (Rapport sur le Prix et la Qualité du Service) SMGEAG 2022 – Document réglementaire annuel obligatoire
- Rapport de la Chambre Régionale des Comptes, juillet 2025 – Audit complet de la gestion du SMGEAG
- IEDOM (Institut d’Émission des Départements d’Outre-Mer) – Rapports économiques 2023-2024
- Observatoire de l’Eau de la Guadeloupe – Données et analyses sur la ressource en eau
- Article France Info – « Il faudrait plus de 200 ans au SMGEAG pour remettre le réseau en état »
